Élément conceptuel 3
Notion de traduction
La lecture que donne Walter Benjamin de l’apparition de la technique photographique sous le mode du « déclin » nous interroge sur les différentes restrictions à l’œuvre dans les programmes numériques. Leur devenir applicatif (le passage du logiciel à l’application) s’opère dans une logique de capital-risque. Celle-ci ne favorise pas les façons de faire cherchant à s’écarter d’une logique centrée sur les usages. La concentration économique d’acteurs dominant le champ du numérique accentue la différence entre ce qui relèverait d’un appel à la liberté (les logiciels dits libres), et une démocratisation avançant sous couvert d’ouverture et de simplification (le « Web 2.0 »). Les codes sources étant de plus en plus difficiles à comprendre (multiplication des normes, accès bloqué, obfuscation505, etc.), comment penser un accès médié par des interfaces qui ne serait pas orienté vers un but à atteindre ? Dans une société où l’ordinateur est considéré comme « l’outil » de base de la plupart des métiers, « l’analphabète de demain506 » sera-t-il celui qui ne sera pourra plus comprendre ses outils de travail ? Si l’homme est ce qui résiste à l’opacité d’une programmatique, il nous importe d’étudier cette notion pour voir ce qu’il en reste dans ce que nous appelons aujourd’hui les « programmes » numériques. Cette réflexion nécessite de passer par des lectures a priori éloignées de notre époque actuelle.
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505
L’obfuscation est une action consistant à rendre opaque la compréhension d’un code source par des humains. Cette lecture refusée n’empêche pas pour autant le code de fonctionner. Cette pratique vise la plupart du temps à rendre le programme inexploitable par d’autres ou à insérer des fonctions malveillantes. ↩
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506
W. Benjamin, Petite histoire de la photographie [1931], trad. de l’allemand par A. Gunthert, Études photographiques, no 1, tirage à part, 1996, p. 29. ↩